Nous voilà donc de retour ! Par commodité, nous allons vous raconter nos aventures de ces dernières semaines à rebours. Le week-end dernier, nous avons fait un « Templestay » en compagnie de nos amis Julia et Mathieu, venus visiter notre pays adoptif. Désormais assez connu en Corée, le Templestay est un programme d’activités culturelles qui permet de séjourner dans un temple et qui vous fait ainsi découvrir la tradition bouddhiste coréenne. Pour la petite histoire, les programmes de Templestay se sont développés suite à la Coupe du monde de football de 2002 hébergée par la Corée du Sud et le Japon. Manquant d’hébergements pour accueillir tous les supporters, la Corée a demandé aux temples d’ouvrir leurs portes et il semblerait que ce fut le mode d’hébergement le plus apprécié des étrangers ! Depuis, un peu plus d’une centaine de temples offrent des programmes de Templestay en Corée. La durée d’un séjour typique est de deux jours et une nuit, mais vous pouvez aussi faire ce que l’on appelle un « Templelife » et ne passer qu’une journée dans le temple. Nous avons choisi la première option et nous avons sélectionné un temple dans les montagnes, non loin de Daejeon : Jikji-sa (rappelons que « sa » en coréen signifie temple).
Nous arrivons à Jikjisa à 15 h après avoir pris un bus depuis la petite ville de Gimcheon et avoir marché un quart d’heure. À notre arrivée, on nous remet nos habits de Templestay et on nous montre nos chambres. Notre tenue se compose d’un veston orange/jaune pâle et d’un pantalon bleu bouffant. Ce sont des vêtements amples, adaptés aux activités monastiques. Il nous avait d’ailleurs été demandé d’apporter des chaussettes et des vêtements couvrants, donc de ne pas arriver en débardeurs, shorts et tongs ! Les chambres sont neuves et très propres et comportent une salle de bain privée. On y dort de façon traditionnelle, à même le sol, sur de simples couvertures. Ce week-end-là, le temple est bien rempli, plusieurs groupes de Coréens sont aussi présents pour un Templestay. Nous sommes ainsi accueillis et guidés par une Coréenne vivant aux États-Unis. Elle est chercheuse en sociologie et ne travaille pas au temple : elle est également là pour un Templestay, qui se trouve être son nouveau sujet de recherche ! Elle est donc incollable sur le Templestay, et parle très bien anglais. Mais, de ce fait, nous n’avons pas de réelle introduction au bouddhisme ni de présentation générale du temple, et nous ne suivons pas un programme de Templestay bien précis.
Comme souvent en Corée, le temple est très grand et composé de plusieurs pavillons. Certains halls sont donc plus isolés, et nous entamons notre séjour par la visite de ces petits temples perdus dans la montagne. Nous en visitons deux, très charmants, et qui offrent une belle vue sur les montagnes. Nous sommes seuls, et nous commençons déjà à nous détendre et à ressentir une certaine sérénité. Néanmoins, nous ne nous attardons pas car nous sommes attendus pour dîner à 17 h.
Nous participons à un dîner monastique formel ou « Barugongyang ». Tous nos voisins sont Coréens et, à notre surprise, parlent anglais. Nous rejoignons en fait un groupe en formation : ils sont venus apprendre les rituels bouddhistes et l’étiquette du temple pour les transmettre aux étrangers. Ils sont ainsi ravis de nous accueillir dans leur groupe ! Nous sommes assis en cercle, en tailleur sur le sol, avec un grand bol marron en plastique empaqueté d’un ruban bleu ciel placé devant nous. La cérémonie est dirigée par une moniale (femme moine, la seule du temple) qui indique les étapes à suivre en coréen. Tout est évidemment extrêmement ritualisé. Quatre bols sont en fait empilés en un, et il faut les sortir en ne les tenant que par deux doigts et en les positionnant de manière très précise sur un carré de tissu de couleur marron. Avant de manger, il faut procéder au nettoyage des bols avec de l’eau. Les repas au temple sont simples et végétariens : du riz, une soupe de légumes et des petits plats d’accompagnements (kimchi, tofu, pousses de soja, courgettes…). Il est important de finir tout ce que l’on a dans son assiette, et il faut manger en silence. Nous mangeons assez vite, comme c’est souvent le cas avec des Coréens ! Pour finir, nous nettoyons méticuleusement les bols avec de l’eau et en frottant avec nos doigts. Il s’agit d’avoir des bols aussi propres qu’au début du repas. On peut ensuite boire cette eau ou la vider dans un seau. Enfin, nous séchons les bols, les rempilons et les empaquetons à nouveau avec le ruban. Tout ceci est très technique et heureusement que nos voisins Coréens étaient là pour nous aider et nous expliquer ! Tous étaient extrêmement gentils et, même si l’on ne se sentait pas toujours très à l’aise, l’ambiance restait bonne enfant et les rituels étaient faits dans la bonne humeur. Notre moniale avait d’ailleurs beaucoup d’humour semble-t-il, et les rires n’étaient pas du tout exclus de la salle (une fois le repas terminé bien sûr !).
Deux fois par jour, avant l’aube et au crépuscule, les bouddhistes observent une cérémonie journalière ou « Yebul ». Après le repas, vers 18 h 30, nous assistons donc la cérémonie du soir. Le tambour du Dharma commence par retentir, et nous observons quelques minutes cette représentation musicale avant de rejoindre le pavillon principal pour aller rendre hommage à Bouddha. Il est interdit d’entrer dans ce hall par la porte principale réservée aux dieux, et l’on doit évidemment enlever ses chaussures avant d’entrer comme partout dans un temple. C’est une grande salle où trônent trois grandes statues dorées de Bouddha ainsi que des centaines de statuettes. Il y a des lanternes au plafond et des bougies sont allumées. On sent également des effluves d’encens. Nous sommes tous placés devant un petit matelas et certains (les Coréens novices) ont les paroles des chants en coréen. Nous commençons la cérémonie à genoux, les mains jointes, puis nous nous laissons porter par les chants et le rythme des percussions qui emplissent progressivement la salle. Nous sommes loin d’être statiques : il s’agit de se prosterner complètement en ayant genoux et mains posés au sol, puis de se mettre à nouveau à genoux ou de se remettre debout. De temps en temps, nous nous inclinons aussi en restant debout. Bien entendu, nous ne savons pas à quel moment nous prosterner (ou nous relever), et faisons au mieux pour suivre nos voisins. Malgré tout, c’est un moment agréable qui nous permet de réellement ressentir la spiritualité du lieu. Les chants, litaniques, nous enjoignent aussi à chanter lorsqu’il y a des moments de répétition, et c’est naturellement que nous joignons notre voix à celles des moines et autres participants même si nous ne comprenons rien de ce que nous chantons ! (Mais la signification n’est apparemment pas essentielle.)
Les prosternations sont très importantes pour les bouddhistes. Elles leur permettent de purifier leur esprit des maux et souffrances de la vie et de se détacher du monde matériel dans un acte d’humilité. C’est aussi un exercice physique qui entretient le corps. Dans le bouddhisme coréen, il est de coutume de faire 108 prosternations deux fois par jour pendant les cérémonies quotidiennes. Le nombre 108 correspond ainsi aux 108 souillures de l’esprit dont il s’agit de se débarrasser en se prosternant. Pour se prosterner, on se tient d’abord en position debout, les mains jointes, puis on se baisse à genoux, on se prosterne en avant les mains au sol puis les mains levées vers le ciel, et enfin on se relève. Tout ceci est rythmé par un petit instrument de percussion tenu par le moine ou la moniale, et qui vous indique quand vous agenouiller et quand vous relever. Pour une démonstration en images, cliquez ici (vidéo en anglais). À la fin des chants, on nous propose de rejoindre un groupe de débutants pour apprendre à faire ces 108 prosternations. L’activité est à nouveau présidée par la moniale et nous sommes environ une soixantaine de participants (tous coréens sauf nous). Première étape : l’échauffement. La moniale nous guide dans une série d’exercices de gymnastique et d’étirement qu’elle effectue elle-même (sauter à pieds joints, faire le pont et même le grand-écart…) Oui, nous avons vu une moniale faire un grand-écart facial avec beaucoup de facilité ! Nous avons d’ailleurs appris plus tard, sans y croire, qu’elle avait presque 50 ans… On lui en donnerait 35 quand on la voit ! Après cet échauffement, chacun se place devant son petit matelas et nous commençons les 108 prosternations. Nous n’arrivons pas à les compter, mais bien sûr la moniale compte pour nous. Cela nous paraît très long ! On sent aussi que notre corps n’est pas habitué à un tel exercice. Quant à dire que ça purifie l’esprit… peut-être faut-il persévérer dans la pratique ? Une fois l’exercice terminé, il est presque 21 h, et il est grand temps d’aller dormir car le lendemain le réveil sonne à 3 h…
Le tambour retentit à nouveau vers 3 h 30, après une fort courte nuit. Il s’agit du signal pour se rendre au pavillon principal et effectuer la cérémonie journalière qui précède l’aube. Son déroulement est identique à la cérémonie du soir, nous chantons et nous nous prosternons à nouveau. Cependant, la plupart d’entre nous sèche les 108 prosternations de l’aube : seul Mathieu s’y astreint, accompagné de notre guide ! Nous retournons ensuite nous reposer dans nos chambres, avant d’aller prendre le petit-déjeuner à la cafétéria une fois le soleil levé, à 6 h. Celui-ci est semblable au dîner : point de Chocapic, jus d’orange ou café, mais du riz, une soupe, et divers plats d’accompagnement salés.
À 7 h, nous retrouvons le grand groupe de Coréens et la moniale pour ce qui nous est présenté comme une marche méditative dans la forêt. Nous commençons par écouter la moniale prononcer un discours en coréen, dont les aspects pratiques nous seront ensuite traduits par notre guide : il est demandé à tous d’éteindre son téléphone portable (un geste probablement douloureux pour les Coréens), de ne pas emporter de biscuits ni bonbons, et de garder le silence pendant la marche. Nous sommes ensuite invités à récupérer un bol à moitié rempli d’eau, puis à nous ranger par quatre. La marche dure environ une demi-heure, et est rythmée par la moniale. Celle-ci guide le groupe, et marque régulièrement des pauses de quelques minutes. Bien que nous marchons sur une route goudronnée, nous sommes dans un cadre champêtre et pouvons entendre les bruits de la nature. La difficulté de l’exercice consiste à ne pas renverser l’eau de son bol pendant la marche, ce qui demande une certaine concentration. Cela contraste nettement avec les pauses, durant lesquelles nous pouvons au choix observer la nature autour de nous ou étudier les reflets dans le contenu de notre bol. Notre point d’arrivée est un autre petit temple, où notre groupe est invité à s’asseoir. À tour de rôle, chacun partage son ressenti sur cette activité méditative. Nous avons pu donner nos impressions en anglais mais, bien évidemment, les Coréens se sont exprimés en coréen et le temps nous a paru un peu long.
Nous redescendons au temple principal pour faire la dernière activité prévue dans notre programme de Templestay : colorier des Mandalas ! Cependant, nous sommes quelque peu refroidis par le très long discours d’un moine précédant l’activité. Même les Coréens semblaient s’endormir… les rires ne fusaient plus comme lors des interventions de notre moniale ! Après une longue heure, nos récompenses nous sont distribuées : chacun reçoit un mandala et une boîte de crayons. Nous pouvons enfin jouer aux artistes, avec plus ou moins de célérité et de facilité ! La moniale, qui a repris la charge de l’activité, explique que notre façon de colorier le Mandala représente notre monde intérieur. On nous dit également qu’il est interdit de laisser des espaces blancs. Nous optons tous pour des couleurs vives, voir ci-dessous pour un exemple. Une fois notre Mandala terminé, nous pouvons aller prendre le déjeuner, de fait quasiment identique aux autres repas : riz, kimchi, pousses de soja, salade…
C’est alors déjà la fin de notre Templestay : il est l’heure de ranger nos chambres et de renfiler nos habits de ville. Il nous est aussi demandé de remplir un petit questionnaire sur nos impressions. En le remettant, nous avons alors la chance d’avoir une conversation avec la personne en charge du Templestay ainsi qu’avec la moniale qui nous a dirigé pendant toutes nos activités. Nous sommes très heureux de pouvoir poser quelques questions sur le temple ainsi que sur le bouddhisme. Même si nous ressentons un peu la barrière de la langue, nous arrivons à nous faire comprendre et à obtenir des réponses à nos questions. La moniale a l’air d’apprécier notre intérêt, et aimerait certainement nous convertir au bouddhisme… Elle nous fait ainsi cadeau à chacun d’un bracelet avec des perles en bois qui porte chance, et qui rappelle le chapelet à 108 perles dont les bouddhistes peuvent se servir pour compter les 108 prosternations. La moniale tient à garder contact avec nous et nous demande d’écrire nos adresses mails ou bien notre profil Facebook ! Nous avions d’ailleurs remarqué précédemment qu’elle ne se séparait jamais de son smartphone Samsung, preuve que la modernité trouve son chemin jusque dans les temples. Le matin-même nous avions aussi fait une photo avec elle :
Nous tenons à la remercier ainsi que notre guide sociologue et la personne en charge de l’accueil des participants au Templestay. Ce fut une expérience unique, qui nous aura donné un aperçu nouveau des temples, une courte expérience de la vie monacale, et qui nous aura offert un petit moment de tranquillité loin de l’agitation urbaine coréenne.
PS : merci aussi à Julia et Mathieu pour leurs photos. Nous n’avons malheureusement pas les photos de toutes nos activités, la méditation laissant peu de temps pour la photographie !