Nouvelle excursion du dimanche organisée par la conférence (maintenant terminée) : direction Jeonju ! Cette fois, nous partons un peu plus loin (1h30 de route) au sud de Daejeon. Ne comptant que 650 000 habitants, Jeonju est une petite ville pour la Corée du Sud mais elle n’en est pas moins très touristique. C’est ce qui nous frappe tout de suite en arrivant : une foule de gens (tous avec leur appareil photo ou smartphone à la main, ça va de soi !), des boutiques alignées les unes aux autres (magasins de souvenirs, nourriture) et des queues interminables devant des magasins qui doivent avoir très bonne réputation auprès des Coréens ! Bref, on retrouve l’ambiance et l’agitation des grands lieux touristiques.
Jeonju attire beaucoup de monde car elle est très réputée pour ses spécialités culinaires (Jeonju fait partie des cinq villes au monde reconnues pour leur gastronomie locale par l’UNESCO) et son patrimoine historique et culturel (on peut à nouveau visiter un village hanok et y séjourner — c’est d’ailleurs un village hanok célèbre en Corée du Sud, notamment depuis 2002, date de la coupe du monde hébergée par la Corée et le Japon). La ville est également connue pour sa production de papier, le hanji. Malgré son attraction et sa renommée, Jeonju — ou du moins son village hanok — fait partie des villes qui respectent la charte « cittaslow », venue d’Italie et dérivée du mouvement « slow food ». Jeonju est donc une « slow city », une ville où l’on prend le temps. Mais avec l’agitation d’un dimanche, cet aspect ne nous a pas beaucoup marqué.
Notre visite commence par le sanctuaire Gyeonggijeon. Une guide anglophone nous explique le riche patrimoine de Jeonju et nous conduit à travers ce sanctuaire qui fut bâti au XVe siècle peu après le règne du roi Taejo (1335—1408), le fondateur de la dynastie des Joseon (1392—1897). On en apprend ainsi plus sur la symbolique de chaque objet et décoration. Nous passons plusieurs portails avant de pénétrer au cœur du sanctuaire. L’un de ces portails est rouge, une couleur qui est un avertissement : quiconque pénètre le sanctuaire doit être pur. Apparemment, tous les touristes du coin sont purs ! Puis nous passons un autre portail, plus imposant cette fois, portant les mêmes décorations que la plupart des pagodes. Il y a trois entrées : une à gauche, une au centre et une à droite. Celle du centre est fermée. Notre guide nous explique que l’on entre à droite, ce qui correspond à l’est, là où le soleil se lève et on sort par la gauche, à l’ouest, là où le soleil se couche. L’entrée du milieu est strictement réservée au roi (disparu depuis six siècles, rappelons-le), et un panneau ne manque pas de nous le rappeler (il n’empêche que certaines personnes oublient et empruntent la voie royale pour faire des photos !). Après ce portail, se trouve le cœur du sanctuaire, une pagode renfermant l’unique portrait original du roi Taejo. Avant d’y entrer, la guide nous fait remarquer trois grandes vasques noires au sol : elles contenaient de l’eau servant à éteindre les incendies, mais aussi à repousser les démons. Selon la légende, ceux-ci seraient si laids qu’ils fuiraient en apercevant leur reflet dans l’eau. Sur la façade de la pagode abritant le portrait du roi, il y a des tortues d’eau servant aussi à se préserver des incendies et des démons.
Après avoir monté quelques marches, nous pouvons enfin apercevoir l’objet de toutes les curiosités, soigneusement protégé, le portrait du roi Taejo. Il le représente dans ses habits royaux : bleu et or, sur lesquels est brodé un dragon à cinq griffes qui symbolise son autorité. Le tour ne s’arrête pas là et, après quelques explications botaniques, nous visitons une autre pagode abritant les archives de l’histoire de Jeonju et où étaient entreposées les annales de la dynastie Joseon. Notre tour se termine par le musée du sanctuaire (Royal Portait Museum) où l’on peut voir une reproduction du portrait du roi et autres tableaux royaux, ainsi que d’autres témoignages de l’histoire de Jeonju, notamment une reconstitution de la parade organisée lors de la consécration du roi Taejo.
Nous ne nous attardons pas au musée car il est l’heure d’aller manger (et nous sommes déjà en retard sur le programme) ! Au restaurant, nous dégustons la grande spécialité de Jeonju : le bibimbap local, très réputé en Corée. Il s’agit d’un plat à base de riz sur lequel sont disposés trente autres ingrédients de couleurs variées (des légumes, de la salade, des œufs, des céréales…). On y ajoute une sauce (très épicée dans notre cas !) pour relever le goût. Pour se désaltérer, nous goûtons également la boisson locale : le moju — un alcool de riz doux et opaque, bouilli avec des herbes médicinales.
L’après-midi est dédiée à la découverte et l’apprentissage des coutumes traditionnelles coréennes. Notre petit groupe (majoritairement masculin) était attendu dans une maison traditionnelle, un hanok, qui héberge en fait un « culture training institute ». Comme toujours, nous enlevons nos chaussures avant d’entrer. À l’intérieur, nous attend notre professeur et gardienne de la tradition. La première étape consiste à enfiler le costume traditionnel ou hanbok. Notre groupe est invité à s’asseoir sur des petits carrés de paille (sur lequel on ne doit pas marcher, on l’apprend un peu tard). Les costumes masculins sont pliés et posés en face de chacun. Il faut d’abord commencer par le pantalon, très large et bouffant, avant d’enfiler le haut à la manière d’un kimono. Ce n’est pas si simple ! De façon inattendue, les robes féminines sont plus faciles à mettre. Il faut d’abord passer la robe en elle-même (sans manche), que l’on noue sous les seins, puis une veste qui vient recouvrir le haut de la robe et qu’il faut aussi nouer d’une certaine façon (on nous aide). Et nous voilà devenus de vrais Coréens ! Mais notre apprentissage ne s’arrête pas là. Par-dessus ces vêtements d’intérieur, on peut porter d’autres vestes et accessoires (chapeau par exemple) pour sortir ou pour de grandes occasions.
L’une de ces grandes occasions, c’est évidemment le mariage ! Étant le seul couple de l’assemblée, nous sommes tout désignés pour jouer les premiers rôles. La mariée a plus d’atours que le marié : en plus de la veste colorée qui recouvre son vêtement d’intérieur, elle porte un chignon dans lequel est piqué une longue tige dorée sur laquelle on fait passer une écharpe rouge décorée de fleurs, et a un petit chapeau sur la tête. Elle tient également une longue écharpe blanche, ornée à nouveau de fleurs, par dessus ses avant-bras joints sous sa poitrine (ce qui n’était pas des plus pratiques pour se mouvoir !). Le marié porte une longue veste bleu électrique, un haut chapeau noir, et des bottes en plastique au bout pointu (qu’il faudrait, en fait, n’utiliser qu’à l’extérieur). Nous voilà prêts à nous marier ! Après une petite séance photo, nous apprenons à saluer. Il existe une dizaine de possibilités, plus ou moins formelles (sachant que mêmes les salutations « informelles » sont un véritable exercice physique : il faut s’agenouiller et s’incliner jusqu’au sol). Il faut faire attention à baisser la bonne jambe, à joindre les mains correctement (ce qui est inversé entre homme et femme), et compter trois bonnes secondes avant de se relever (en appuyant sur la bonne jambe) ! En tant que « jeune mariés », nous avons un traitement particulier et apprenons le salut des époux. Le marié s’incline une fois de plus que la mariée (quatre fois au lieu de trois, je crois), mais celle-ci reste plus longtemps au sol. La mariée, elle, n’a pas le droit de regarder son mari, et doit rester les yeux baissés.
Nous finissons cette après-midi particulière par le rituel du thé. Attention, là non plus il ne faut pas aller trop vite ! Le plateau est rempli de différents bols ayant chacun son usage. Le premier service ne sert qu’à réchauffer la théière et les bols : on verse uniquement l’eau chaude (initialement à 70°C) et celle-ci doit « chanter », faire un joli son. Puis il y a un deuxième service, avec le thé cette fois : il ne faut pas remplir les bols d’un coup mais verser plusieurs fois de petites quantités dans chaque bol afin que les saveurs du thé se mélangent et soient les mêmes pour tous. Petite note : on sert toujours avec la main droite et la main gauche est posée à plat sur l’intérieur de l’avant-bras droit (c’est en fait un geste très courant en Corée, il s’agit d’une marque de politesse quand quelqu’un vous tend quelque chose par exemple). On peut désormais déguster le thé. Cependant, la première gorgée doit se savourer. Il faut tenir le dessous de sa tasse avec la main gauche bien à plat, et la saisir de la main droite. On sent d’abord la chaleur de la tasse dans ses doigts, puis on hume le parfum du thé, et enfin on le déguste (sans boire d’une traite !). On comprend mieux le « cittaslow » désormais !
Après avoir remercié notre professeur, il nous reste une heure pour nous balader dans les rues du village hanok de Jeonju. Ça nous laisse peu de temps pour faire des emplettes, on se dit qu’on reviendra ! Nous nous arrêtons néanmoins sur le parvis de la cathédrale (catholique) de Jeonju. Elle vaut le détour car contrairement aux églises ultramodernes que l’on a vues jusque-là (avec croix bordées de néons allumés la nuit), celle-ci est en briques et a été construite au début du XXe siècle. C’est en fait à cet emplacement que les premiers martyrs coréens catholique furent exécutés à la fin du XVIIIe siècle. Nous n’entrons pas dans la cathédrale, il y a vraiment du monde (dont beaucoup en train de faire des selfies) et pas assez de temps !