DMZ

Vous avez certainement déjà entendu parler de ces trois lettres lourdes de sens, de la zone tampon qui sépare la Corée du Sud de la Corée du Nord depuis plus de 60 ansIMG_9219 : cette « zone démilitarisée », qui est paradoxalement l’une des frontières les plus militarisées de la planète ! Étrange idée que d’aller visiter cet endroit chargé d’histoire mais quelque peu hors du temps, où tout semble au ralenti, mais dont le calme apparent cache des tensions bien réelles. On est loin des temples bouddhistes paisibles, des rues animées de Séoul, des chemins de randonnée des parcs nationaux : c’est une visite à part, qu’on ne peut faire nulle part ailleurs. Les guides de voyage en font d’ailleurs grand cas, et nous en avons fait nous-même l’expérience avec Julia et Mathieu.

Petit rappel historique : à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la Corée est enfin libérée du joug du Japon par les États-Unis et l’URSS, après 35 ans d’occupation.1000px-Korea_DMZ.svg Les deux superpuissances administrent alors la péninsule coréenne, et la divisent en deux le long du 38e parallèle. L’URSS occupe le Nord tandis que les États-Unis occupent le Sud. Deux gouvernements se forment ensuite, la République populaire démocratique de Corée au nord et la République de Corée au sud. Aucun de ces nouveaux gouvernements n’accepte la frontière, et une guerre éclate en 1950 suite à une invasion surprise de la Corée du Nord. À l’issue de la guerre, après trois ans de combats et des millions de morts, une zone démilitarisée d’environ 4 km de large et de 250 km de long est instaurée de part et d’autre de la ligne de démarcation militaire qui scinde la Corée en deux pays distincts : la DMZ est née. Ironie du sort, la ligne de démarcation passe à proximité du 38e parallèle, et correspond donc presque à la frontière d’avant-guerre… Aucun traité de paix n’ayant jamais été signé, les deux pays sont techniquement toujours en guerre, et il est impossible de traverser librement la frontière.

Il s’agit donc bien d’une visite inhabituelle, et on ne peut pénétrer dans cette zone extrêmement gardée et contrôlée qu’en faisant un circuit organisé. Plusieurs agences touristiques proposent des circuits sur la journée ou la demi-journée — on peut choisir de ne voir que certains sites de la DMZ — mais il faut toujours réserver au moins 24 h, si ce n’est plus, à l’avance. La procédure d’inscription est un peu fastidieuse mais pas impossible, il est ainsi obligatoire de renseigner sa nationalité et fournir son numéro de passeport. En tant que Français, nous n’avons eu aucun problème, mais les ressortissants de certains pays doivent effectuer des démarches supplémentaires. La visite démarre de Séoul, où nous prenons un car vers la frontière qui se trouve à une quarantaine de kilomètres de là. Dans le bus, notre guide fait un bref rappel historique alors que nous quittons progressivement les nombreuses tours d’immeubles de Séoul. Nous nous retrouvons dans un paysage de plus en plus rural, et bientôt encadré de fils barbelés. En arrivant sur place, nous sommes bien sûr contrôlés par un soldat, qui monte dans le bus vérifier nos identités. On nous explique que cette tâche est le plus souvent effectuée par des jeunes effectuant leur service militaire. Tous les jeunes sud-coréens (uniquement les hommes) doivent faire deux ans de service militaire.

IMG_9204Notre premier arrêt est l’observatoire Dora. De là, on peut observer la ville nord-coréenne de Kaesong et son complexe industriel, le seul où travaillent ensemble Nord-Coréens et Sud-Coréens (ils sont toutefois très bien surveillés). La ville est à quelques kilomètres de l’observatoire, mais des jumelles sont à disposition moyennant finance. Cependant, les téléobjectifs sont interdits, et tout au long de nos visites notre guide nous précise où et quand il est permis de prendre des photos. Fait notable : deux grands drapeaux — un pour la Corée du Nord, l’autre pour la Corée du Sud — sont hissés sur des poteaux de part et d’autre de la frontière. Ceux-ci sont gigantesques (chaque pays ayant voulu avoir le plus haut poteau et le plus grand drapeau), de sorte qu’il faut des vents très forts pour les faire flotter ! Cette courte visite donne un aperçu intéressant (quoique lointain) de la Corée du Nord, mais nous nous sentons un peu voyeur lorsque nous essayons d’apercevoir des Nord-Coréens au loin ! (Nous avons pu voir quelques paysans nord-coréens travaillant dans des champs à proximité de Kaesong.)

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Prochain arrêt : la gare de Dorasan, la plus proche de la Corée du Nord, qui se situe sur l’axe ferroviaire qui pourrait un jour relier Séoul à Pyeongyang, puis au reste de l’Asie et du monde.OLYMPUS DIGITAL CAMERA La gare est d’ailleurs tout à fait prête à accueillir de nombreux voyageurs : elle a, en apparence, tout d’une gare normale, si ce n’est qu’elle est déserte (exception faite des touristes venus la visiter). Seuls deux ou trois trains circulent depuis et vers Séoul, dans un but uniquement touristique là encore. Cette gare apporte la preuve concrète que la réunification du Nord et du Sud est non seulement envisagée, mais déjà préparée par les Sud-Coréens.

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Notre matinée se termine par la visite du troisième tunnel d’agression : découvert en 1978, ce tunnel de 2 km de long a été creusé par les Nord-Coréens sous la zone démilitarisée afin, très certainement, de lancer une attaque surprise sur Séoul. Situé à 73 mètres sous terre, le tunnel fait 1,95 mètre de haut et 2 mètres de large, ce qui aurait permis d’acheminer quelques 30 000 hommes par heure !OLYMPUS DIGITAL CAMERA D’après l’explication officielle donnée par la Corée du Nord, ce tunnel serait en fait une mine de charbon (ce qui se trouve être géologiquement improbable, les murs du tunnel étant composés de granite !). On parle de « troisième tunnel » car quatre différents tunnels ont été découverts par la Corée du Sud le long de la DMZ. C’est cependant le seul tunnel que l’on peut visiter. Nous y descendons par un train monorail, mais la descente peut également s’effectuer à pied. L’endroit est rempli de touristes, et nous marchons en file indienne le long du tunnel, sur quelques centaines de mètres. Nous n’avons pas accès à l’intégralité du tunnel et les photos sont interdites. C’est, encore une fois, un endroit assez étrange, mais la horde de touristes chahutant et nous bousculant nous empêche de réellement ressentir l’importance de ce lieu.

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Après une courte pause déjeuner, nous partons pour la Joint Security Area (JSA), aussi parfois appelé Panmunjeom, qui est certainement l’endroit le plus impressionnant quand on visite la DMZ. Panmunjeom est le nom d’un village rural qui fut complètement détruit pendant la guerre de Corée. Cependant, le lieu est hautement symbolique car l’armistice de 1953 y fut signée, et il héberge aujourd’hui la JSA, siège de la « Commission militaire d’armistice » (MAC) qui est chargée de faire appliquer les termes de l’accord de cessez-le-feu. Il est impossible de pénétrer dans la JSA sans être accompagné, et nous devons d’abord entrer dans un camp militaire sous commandement de l’ONU, le « camp Bonifas », avant de s’y rendre. Celui-ci doit son nom à un soldat américain tué par un soldat nord-coréen lors d’un incident en 1976. Avant d’y entrer, nous sommes soumis à un deuxième contrôle d’identité et à une inspection un peu plus complète : il est recommandé de ne pas porter des vêtements trop décontractés, tels que des jeans délavés, des mini-jupes ou des claquettes si l’on souhaite accéder à ce lieu hautement militarisé. Une fois entrés dans le camp, nous voyons de jeunes soldats coréens passer au pas de course et en chantant (des chants militaires bien sûr !). On remarque aussi quelques soldats américains, dans une attitude plus décontractée. On nous fait s’installer dans une salle de conférence, où notre guide nous rappelle brièvement l’histoire du camp et de la JSA aidé par des diapositives. Nous devons aussi signer un document rappelant les consignes de sécurité à l’intérieur du camp, et déclinant toute responsabilité de la part du personnel si une attaque nord-coréenne devait se produire pendant notre visite !

L’étape suivante est la visite de la JSA en elle-même. Cette zone, également sous contrôle de l’ONU, chevauche la ligne de démarcation militaire : on ne pourrait être plus près de la frontière entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ! IMG_9246 De fait, nous n’y allons pas à bord de notre car touristique, mais dans un car affrété par l’ONU et conduit par un soldat. Une fois descendus, nous devons impérativement être en rang afin de pénétrer dans cet espace. Nous faisons alors directement face à la Corée du Nord, et l’on peut apercevoir un soldat nord-coréen posté au loin, à l’entrée du pavillon de la Corée du Nord. De notre côté, trois soldats sud-coréens, immobiles et poings serrés, surveillent le Nord. Soldats sud-coréens et nord-coréens se font généralement face : ils portent ainsi tous des lunettes de soleil afin d’éviter, nous a-t-on dit, les regards trop directs et des signes qui pourraient être perçus comme une provocation. L’espace est donc très bien délimité : le pavillon sud-coréen d’un côté, le pavillon nord-coréen de l’autre, et au centre, sur la frontière, des baraquements bleus où sont encore tenues des négociations entre les deux pays. On peut prendre des photos de tout ce qu’il y a directement sous nos yeux, mais pas des alentours (on se fait rappeler à l’ordre si l’on a le malheur de faire un mouvement un peu trop circulaire avec notre appareil photo). Nous entrons ensuite dans l’un des baraquements. La table qui trône au milieu de la salle délimite la frontière entre le Nord et le Sud. Cette salle est ainsi le seul endroit où l’on peut poser un pied en Corée du Nord ! Pourtant, lors de notre visite, point de soldats nord-coréens. Seuls les soldats sud-coréens, semblables à des statues de cire, sont présents, et les touristes ne manquent pas de se faire photographier à leur côté… IMG_9248 Sur le chemin du retour, à bord de notre car onusien, nous passons devant le « pont de non-retour » qui relie la Corée du Sud à la Corée du Nord. Il servait à échanger les prisonniers à la fin de la guerre de Corée. Son nom vient du fait que beaucoup de prisonniers capturés par les États-Unis ne souhaitaient pas repartir au Nord. On leur donnait le choix de rester au Sud ou de traverser le pont. S’ils choisissaient de traverser, ils ne pourraient plus jamais revenir… En 1976, un incident au cours duquel deux soldats américains furent tués à la hache, le fameux « axe murder incident », mit fin à son utilisation. Il s’agit de l’événement le plus sanglant de l’histoire de la JSA.

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De retour au camp, nous avons une dizaine de minutes pour faire le tour de la boutique de souvenirs où l’on peut acheter des vêtements militaires, les lunettes de soleil des soldats de la JSA, des chocolats nord-coréens et bien d’autres babioles touristiques. Nous en profitons aussi pour déguster une glace avant de reprendre le car qui nous ramène à Séoul, dans un tout autre univers, celui du festival des lanternes.

4 réflexions au sujet de « DMZ »

  1. Article très interessant mais triste histoire : un pays et un peuple coupés en deux !
    Souhaitons leur une belle réunification si tant est que…

  2. On ne peut pas toujours dire : L’ami Ricoré …
    Mais on peut parler de Chicorée au petit déjeuner !
    Peut-être vous souvenez vous de la musique composée par André Georget ?
    Bon, cela me fait tout drôle de savoir que vous avez acheté des vêtements militaires…
    Béranger va-t’il s’engager dans l’armée ?
    Sincèrement, je ne le vois pas très bien marcher au pas,
    Flora encore moins.

    Bises et à bientôt sur les terres de vos ancêtres…

    El Papa

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